Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/316

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Fedka, ne bats pas Fedka ! Ma mère feignit de pleurer. Et moi je grimpai sur les genoux du père : J’étais heureux. Ensuite le père se mit à table, me plaça près de lui et cria : — La mère ! donne-nous à dîner, à moi et à Fedka ; nous voulons manger ! La mère nous donna la viande et nous commençâmes à manger. Après le repas la mère dit : — Eh bien. Et la charpente ? — Cinquante roubles, dit le père. — C’est pas trop cher. — Oui, dit le père, il ne faut pas se plaindre, la charpente est superbe. »

Cela semble simple, bref, et pourtant vous voyez toute la perspective de leur vie. Vous voyez le garçon, un enfant encore, qui a pleuré et qui, une minute après, est heureux. Vous voyez que l’enfant ne sait pas apprécier l’amour de sa mère, il le remplace par l’amour du père vigoureux qui a fendu le tronc. Vous voyez que la mère sait qu’il en doit être ainsi et n’est pas jalouse. Vous voyez ce superbe Gordeï dont le cœur déborde de joie. Vous avez remarqué qu’ils ont mangé de la viande, et la charmante comédie que tous jouent sachant tous que c’est une comédie mais la jouant par excès de bonheur. — « Ne bats pas Fedka ! Ne bats pas Fedka ! » dit le père en agitant le bras. Et la mère habituée aux larmes vraies, la mère fait semblant de pleurer et sourit, heureuse, en regardant le père et le fils. Et cet enfant qui grimpe sur les genoux de son, père, il est fier et content sans même savoir