Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/363

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rien d’humain n’est invisible à l’homme. Vous en doutez ? Écoutez le sentiment, il ne vous trompera pas ! Croyez à sa nature, et vous vous convaincrez qu’il ne prendra que ce que l’histoire vous a chargé de lui transmettre, ce qu’a élaboré en vous la souffrance.

L’école est gratuite et les plus anciens élèves sont du village de Iasnaïa-Poliana. Plusieurs ont quitté l’école parce que leurs parents ne trouvaient pas que l’enseignement y fût bon. Plusieurs, après avoir appris à lire et à écrire, ont cessé de fréquenter l’école et se sont loués au relais de poste (l’occupation principale de notre village). Des villages voisins, pas riches, on envoya d’abord des élèves, mais, vu l’incommodité de l’allée et venue ou de l’obligation de les laisser en pension (le moins que coûte la pension, chez nous, c’est deux roubles par mois), bientôt on les retira. Les paysans des villages lointains, plus riches, étaient séduits par la gratuité et par le bruit répandu dans le peuple qu’à l’école de Iasnaïa-Poliana on enseignait très bien. Mais cet hiver, à l’ouverture des écoles dans les bourgs, ils nous retirèrent leurs enfants pour les mettre dans ces écoles. À l’école de Iasnaïa-Poliana sont restés les enfants des paysans de ce village qui fréquentent l’école durant l’hiver et qui, l’été, d’avril à la mi-octobre, travaillent aux champs, ceux des postiers, des commis, des soldats, des débitants, des sacristains, des paysans