Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/469

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avec cette histoire. Mais l’histoire de la migration des peuples sera ennuyeuse, parce que le sujet n’en est pas artistique, de même que l’histoire de l’invention de l’imprimerie, malgré tous les soins apportés pour apprendre à l’élève que c’est une date historique et que Gutemberg était un grand homme. Racontez bien comment on a inventé les allumettes et l’élève n’admettra jamais que l’inventeur des allumettes soit inférieur à Gutemberg. En un mot, pour un enfant, en général, pour un élève qui n’a pas encore commencé de vivre, sans parler déjà de l’intérêt humain, l’intérêt historique n’existe pas : il n’y a que l’intérêt artistique. On dit qu’avec des matériaux plus détaillés, mieux élaborés, le récit artistique de toutes les périodes historiques sera possible. Je ne le crois pas. On ne peut donner aux enfants Macaulay et Thiers, Tacite et Xénophon. Pour faire l’histoire populaire, ce n’est pas un intérêt artistique qui est nécessaire, mais il faut personnifier les événements historiques, comme le fait parfois la tradition, parfois la vie elle même, parfois les grands penseurs et les artistes. L’histoire ne plaît aux enfants que quand un sujet est artistique. L’intérêt historique n’existe pas et ne peut exister pour eux ; donc, il ne peut être d’histoire pour les enfants. L’histoire sert de matériel au développement artistique, mais tant que l’intérêt historique n’est pas développé, l’histoire ne peut exister.