Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/83

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sévère à laquelle les paysans sont habitués de voir soumettre leurs enfants.

La semaine suivante, j’ai visité cette école. Les enfants étaient divisés en trois sections et le maître allait des uns aux autres. Les uns, les moins forts, assis à une table, devant une feuille de carton, apprenaient par cœur les places où se trouvaient les lettres. Je me mis à les interroger. Plus de la moitié savaient les lettres et les nommaient : az, bouki, etc. ; les autres savaient même les syllabes, pouvaient lire, mais prenaient au commencement et répétaient a, b, etc., s’imaginant que c’était quelque chose de nouveau. L’autre section, les moyens, composaient par cœur s, k, a, ska ; l’un posait la question, les autres répondaient.

Et ils faisaient cela depuis trois semaines, tandis qu’un seul jour suffit pour bien posséder ce procédé consistant à rejeter un e superflu. Parmi eux j’en ai trouvé aussi qui connaissaient les syllabes d’après la vieille méthode slave et savaient lire. Eux aussi, comme les premiers, avaient honte de leur savoir et y renonçaient, croyant qu’il n’y avait pas de salut si l’on ne composait pas d’après b, r, etc. Enfin les troisièmes lisaient. Ces malheureux étaient assis par terre, chacun tenait un livre sous ses yeux et feignait de lire ; et tous répétaient à haute voix deux vers quelconques. Ces deux vers récités, ils recommençaient de nouveau, les visages tristes et soucieux, me regardant de temps en