Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/144

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Mais madame Karénine n’attendit pas son frère, dès qu’elle l’aperçut, d’un pas décidé et léger, elle sortit du wagon, et, aussitôt qu’il fut près d’elle, d’un mouvement qui frappa Vronskï par sa résolution et sa grâce, elle l’attira rapidement en passant sa main gauche à son cou et l’embrassa fortement.

Vronskï ne la quittait pas des yeux, et sans savoir pourquoi, il souriait. Mais se rappelant que sa mère l’attendait, il remonta dans le wagon.

— N’est-ce pas qu’elle est charmante ? dit la comtesse. Son mari l’a installée avec moi et j’en ai été très contente. Toute la route nous avons bavardé ensemble. Eh bien ! et toi, on dit que vous filez le parfait amour. Tant mieux, mon cher, tant mieux.

— Je ne sais pas à quoi vous faites allusion, maman, répondit-il froidement. Eh bien, partons-nous ?

Madame Karénine entra de nouveau dans le wagon pour dire adieu à la comtesse.

— Eh bien, voilà, comtesse, vous avez trouvé votre fils et moi, mon frère, fit-elle gaiement ; au reste toutes mes histoires sont épuisées, je n’aurais plus rien à vous raconter.

— Mais non, dit la comtesse en lui prenant la main, avec vous je ferais le tour du monde et ne m’ennuierais pas. Vous êtes une de ces femmes charmantes avec qui l’on peut agréablement causer ou se taire. Et je vous en prie, ne pensez pas trop