Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/166

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poussant les enfants et les envoyant dans la salle à manger.

— Et moi, je sais pourquoi vous désirez me voir à ce bal. Ce sera pour vous un événement considérable, et vous voulez que tous y soient, que tous y prennent part.

— Oui ! Comment savez-vous ?

— Quel heureux âge ! continua Anna. Je vois encore ce brouillard bleu, semblable à celui qui couvre les montagnes de la Suisse, ce brouillard au travers duquel on voit tout à cette heureuse époque du terme de l’enfance, et je me souviens de ce vaste horizon plein de gaîté et de bonheur, de ce chemin qui se resserre de plus en plus, et dans lequel on s’engage avec une joie mêlée de crainte, bien qu’il semble rempli de clarté et de charme… Qui n’a pas passé par là ?

Kitty sourit en silence : « Mais quoi, elle aussi a passé par là ? Comme je voudrais connaître toute sa vie », pensait-elle, se rappelant combien était peu poétique Alexis Alexandrovitch son mari.

— Oui, je suis au courant… Stépan m’a parlé, et je vous félicite ; je trouve Vronskï très bien, continua Anna. Je l’ai rencontré à la gare.

— Ah ! il était là ? demanda Kitty en rougissant. Eh bien ! que vous a dit Stiva ?

— Des bavardages. Je serais très heureuse que cela réussît. J’ai voyagé hier avec la mère de Vronskï, et elle n’a cessé de me parler de lui. C’est