Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/209

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qui, depuis longtemps, avaient besoin d’être réparées, le divan de son père, enfin une grande table sur laquelle se trouvaient un cendrier cassé et un cahier couvert de son écriture. Quand il se retrouva au milieu de ces objets familiers, il douta pendant un moment de la possibilité de réaliser cette nouvelle vie qu’il avait rêvée en route. Toutes ces traces du passé semblaient le saisir et lui dire : « Non, tu ne nous quitteras pas, tu ne seras pas un autre, tu resteras ce que tu es, avec tes doutes, ton éternel mécontentement de toi-même, avec tes vaines tentatives de perfectionnement, avec tes chutes et l’attente perpétuelle d’un bonheur auquel tu n’es pas destiné et qui constitue pour toi l’impossible. »

Les objets qui l’entouraient semblaient lui dire cela, mais une voix intérieure lui disait au contraire qu’il ne faut pas rester l’esclave du passé et que l’on peut faire de soi tout ce qu’on veut. Tout en écoutant cette voix, il s’approcha du coin où se trouvaient des haltères d’un poud et se mit à les soulever d’un mouvement systématique, tâchant de se retrouver fort et courageux. Des pas grincèrent derrière la porte. Il reposa hâtivement les haltères. L’intendant entra. Il l’informa que, grâce à Dieu, tout allait bien, mais que le blé avait brûlé dans le nouveau séchoir qui avait coûté si cher. Cette communication irrita Lévine ; la nouvelle machine avait été bâtie et en partie inventée par