Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/246

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mieux ainsi ; mais Anna l’admonesta si vivement qu’elle en fut ensuite toute douteuse. Pour se calmer tout à fait, elle alla dans la chambre de son fils et passa toute la soirée avec lui ; elle le mit au lit, lui souhaita le bonsoir et borda ses couvertures. Elle était heureuse d’avoir si bien passé la soirée et de n’être pas sortie. Elle se sentait très à l’aise maintenant, elle voyait clairement que tout ce qui, en chemin de fer, lui avait paru si grave, n’était qu’une aventure très ordinaire et sans importance, dont il n’y avait point à avoir honte, ni devant personne, ni devant elle-même. Anna s’assit près de la cheminée avec un roman anglais et attendit son mari. À neuf heures et demie, la sonnette retentit et Alexis Alexandrovitch entra dans sa chambre.

— Enfin toi ! dit-elle en lui tendant la main. Il baisa cette main et s’assit près d’elle.

— En somme, je vois que ton voyage a réussi ! dit-il.

— Oui, parfaitement, répondit-elle ; et elle se mit à tout lui raconter : le voyage avec madame Vronskï, son arrivée, l’accident de chemin de fer, ensuite la pitié que lui avait inspirée d’abord son frère et ensuite Dolly.

— Bien qu’il soit ton frère, un tel homme est à mon avis sans excuse, dit sévèrement Alexis Alexandrovitch.

Anna sourit. Elle comprit qu’il disait cela préci-