Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/274

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— Je n’en ai pas.

— De grâce, Kitty, crois-tu que je puisse ignorer ? Je sais tout, et, crois-moi, cela est peu de chose… Nous avons toutes passé par là.

Kitty se taisait et son visage avait une expression sévère.

— Il ne mérite pas que tu souffres à cause de lui, dit Dolly allant droit au but.

— Oui, parce qu’il m’a dédaignée, — prononça Kitty d’une voix tremblante. — Ne dis rien je t’en prie, ne parle pas !

— Mais qui te dit cela ? Personne. Je suis convaincue qu’il était amoureux de toi, qu’il l’est encore, mais…

— Ah ! rien ne m’est plus pénible que ces condoléances ! s’écria Kitty se fâchant tout à coup.

Elle se tourna sur sa chaise, rougit et agita rapidement les doigts, serrant tantôt dans une main, tantôt dans l’autre, la boucle de ceinture qu’elle tenait.

Dolly connaissait cette habitude de sa sœur d’agiter les doigts quand elle était surexcitée ; elle savait que Kitty, dans un moment d’emportement, était capable de s’oublier jusqu’à prononcer des paroles déplacées et désagréables, elle voulut la calmer mais il était trop tard.

— Quoi ! que veux-tu me dire ? prononça rapidement Kitty, que j’ai été amoureuse d’un homme qui s’est moqué de moi et que je meurs d’amour pour lui ? Et c’est ma sœur qui me dit cela ?… qui