Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/276

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cachant ses yeux dans son mouchoir baissa la tête.

Le silence dura deux minutes. Dolly pensait à elle-même, à son humiliation qu’elle sentait toujours et que lui ramenaient péniblement à la mémoire les paroles de sa sœur. Elle n’attendait pas tant de cruauté de sa part et lui en voulait. Mais tout à coup, avec le bruissement de la robe elle entendit un sanglot étouffé et sentit des mains lui entourer le cou. Kitty, à genoux, était devant elle.

— Dolenka, je suis si malheureuse ! gémissait-elle comme une coupable.

Et son charmant visage baigné de larmes se cachait dans la jupe de Daria Alexandrovna.

Comme si les larmes étaient le baume nécessaire à l’union des deux sœurs elles cessèrent de causer de ce qui les occupait, mais tout en parlant de choses étrangères elles se comprenaient.

Kitty comprenait que ce qu’elle avait dit, dans son emportement, au sujet de l’infidélité du mari de Dolly et de l’humiliation de celle-ci, avait frappé sa pauvre sœur en plein cœur, mais qu’elle lui avait pardonné. Dolly, de son côté, comprenait tout ce qu’elle voulait savoir : elle se convainquait de l’exactitude de ses suppositions et acquérait la certitude que l’immense et incurable douleur de Kitty venait principalement de ce que Lévine lui avait fait une demande qu’elle avait refusée et qu’elle était prête maintenant à aimer Lévine et à