Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/277

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haïr Vronskï. Kitty ne soufflait pas un mot de cela, elle parlait seulement de son état d’âme.

— Je ne souffre pas, disait-elle en se calmant, mais tu dois comprendre que tout me semble maintenant vil et grossier, que je suis dégoûtée de tout et de moi-même. Tu ne peux t’imaginer les mauvaises idées qui hantent mon cerveau.

— Mais quelles mauvaises pensées peux-tu avoir ? fit en souriant Dolly.

— Les plus vilaines, les plus grossières, je ne puis te dire. Ce n’est pas du chagrin, c’est bien pire ; tout ce qui était bon en moi semble s’être évanoui, et il ne reste plus que le mal. Voyons, comment te dirais-je ? — continua-t-elle en lisant l’étonnement dans les yeux de sa sœur — papa m’a parlé tout à l’heure… Il m’a semblé comprendre qu’il croit que j’ai seulement besoin de me marier. Maman me conduit au bal, et il me semble aussi que ce n’est qu’afin de me marier le plus vite possible et de se débarrasser de moi. Je sais que ce n’est pas vrai, mais je ne puis chasser ces idées. Ceux qu’on appelle les partis, je ne puis les voir. Il me semble qu’ils me mettent à prix. Autrefois, aller quelque part en costume de bal était pour moi un plaisir, je m’admirais moi-même ; maintenant je me sens gênée, honteuse. Eh bien ! que veux-tu ? Le docteur… Eh bien…

Kitty s’arrêta. Elle voulait dire encore que depuis le changement survenu en elle, Stépan Arka-