Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/281

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femme de son cousin germain, qui avait cent mille roubles de rente et qui, dès la première apparition d’Anna dans le monde, lui témoigna une amitié particulière, lui fit le meilleur accueil et l’introduisit dans son monde en raillant la société de la comtesse Lydie Ivanovna.

— Quand je serai vieille et laide, je ferai comme elle, disait Betsy ; mais pour une femme jeune et jolie comme vous, ce refuge est prématuré.

Au commencement, Anna évita le plus possible la société de la princesse Tverskaïa, parce qu’elle l’obligeait à des dépenses que ses moyens ne lui permettaient pas ; d’ailleurs, au fond de son âme, elle préférait l’autre cercle ; mais, à son retour de Moscou, ce fut tout le contraire. Elle évita ses amis austères et fréquenta le grand monde. Là elle rencontrait Vronskï et cette rencontre lui causait une joyeuse émotion. Elle le voyait surtout fréquemment chez sa cousine, Betsy, qui était parente du jeune officier.

Au reste, Vronskï était partout où il pouvait rencontrer Anna et lui parler de son amour. Elle ne l’encourageait nullement, mais chaque fois qu’elle le voyait, elle ressentait dans son âme le même sentiment d’émotion qu’elle avait éprouvé dans le train, quand elle l’avait aperçu pour la première fois. Elle sentait elle-même qu’à sa vue, la joie éclairait son regard et contractait ses lèvres en un sourire, et elle ne pouvait dissimuler l’expression de cette joie.