Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/297

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roles, madame Karénine est une femme admirable. Je n’aime pas son mari, mais elle, je l’aime beaucoup.

— Pourquoi n’aimez-vous pas son mari ? C’est un homme si supérieur, dit la femme de l’ambassadeur. Mon mari affirme qu’il y a en Europe peu d’hommes comme lui.

— Mon mari me dit aussi la même chose, mais je ne le crois pas, répartit la princesse Miagkaia. Je respecte son opinion, mais, selon moi, Alexis Alexandrovitch est tout simplement un sot. Je dis cela tout bas… C’est vraiment bien simple. Auparavant, quand on m’ordonnait de le trouver intelligent, je cherchais à le trouver tel, me trouvant sotte moi-même de ne pas découvrir son esprit, mais dès l’instant où je me suis dit : c’est un sot, mais tout bas, j’ai cessé d’être aveugle, n’est-ce pas ?

— Comme vous êtes méchante, aujourd’hui ?

— Nullement. Il n’y a pas d’autre issue : l’un de nous deux est sot, voilà tout. Eh bien ! le choix est tôt fait, car on ne peut guère le dire de soi-même.

— Personne n’est content de sa fortune, chacun est satisfait de son esprit, déclara le vieux diplomate.

— Voilà, voilà, précisément ! lui répondit vivement la princesse Miagkaia. Mais Anna, je ne vous l’abandonne pas. Elle est charmante, exquise. Qu’y peut-elle si tous les hommes sont amoureux d’elle et la suivent comme son ombre ?