Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/340

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— Nous en achèterons. Oui je sais, ajouta-t-il en riant, avec vous il y a toujours des obstacles à tout ; mais cette année je ne vous laisserai pas faire tout à votre guise. Je veillerai à tout moi-même…

— Mais déjà, semble-t-il, vous dormez bien peu. C’est plus gai pour nous de travailler sous les yeux du maître…

— Alors, derrière Beriosovï-Dol le trèfle est semé ? J’irai voir, dit-il en enfourchant le petit bai Kolpik que lui amenait le cocher.

— Vous ne pourrez pas passer les ruisseaux, Constantin Dmitritch ! cria le cocher !

— Eh bien ! j’irai par le bois.

Et avec la belle allure d’un bon cheval longtemps inactif, qui reniflait devant les mares et auquel il fallait laisser la bride, Lévine traversa la cour pleine de boue, et franchit la porte ouvrant dans le champ.

Lévine, déjà gai dans la cour du bétail, se sentit encore plus gai dans les champs. Balancé régulièrement sur son bon cheval, respirant l’odeur chaude et fraîche de l’air et de la neige, il traversait la forêt, sur la neige qui restait encore en certaines places, et il se réjouissait devant chaque arbre couvert de mousse et de bourgeons. Au sortir de la forêt, s’étendait devant lui un vaste espace, comme un tapis de verdure uni et velouté, sans une tache, sauf celles que, par-ci, par-là, dans les creux, faisaient des restes de neige fondue. Il ne se sentait