Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/373

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Lévine en le regardant. « Oui, il y a quelque chose de rusé, de diplomatique dans son visage. » Et se sentant rougir, il fixa, sans mot dire, les yeux de Stépan Arkadiévitch.

— S’il y avait quelque chance de son côté, ce n’était que le charme de l’extérieur, continua Oblonskï. Tu sais, ce parfait aristocrate et sa belle situation dans le monde agissaient plutôt sur sa mère que sur elle.

Lévine fronça les sourcils. L’offense du refus subi le brûlait au cœur comme une blessure fraîche ; mais il était chez lui, et chez soi les murs mêmes vous réconfortent.

— Attends ! Attends ! dit-il, interrompant Oblonskï, tu parles d’aristocratie ; permets-moi de te demander en quoi consiste cette aristocratie de Vronskï ou de n’importe qui, cette aristocratie qui, selon toi, est cause de mon échec ? À ton avis je ne suis pas un aristocrate, tandis que Vronskï, un homme dont le père est sorti de rien, et dont la mère a eu Dieu sait quelles aventures, en est un. Non, excuse-moi, mais je me crois aristocrate ainsi que tous ceux qui, comme moi, comptent dans leur passé trois ou quatre générations de gens honnêtes, appartenant aux classes les plus cultivées (ne parlons pas du talent ni de l’intelligence, c’est autre chose), qui n’ont jamais fait de tort à personne, qui n’ont jamais eu besoin de personne, comme mon père et mon grand-père. Et j’en con-