Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/12

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l’envisageait lui était désagréable. Pour Constantin la campagne était le centre même de la vie, c’est-à-dire des joies, des souffrances et des labeurs ; pour Serge, au contraire, elle n’était, d’une part, qu’un lieu de repos, et d’autre part qu’un remède utile contre le surmenage épuisant de la ville, remède que d’ailleurs il acceptait avec plaisir, conscient qu’il était de son efficacité.

Constantin aimait la campagne parce qu’elle offrait un but à des travaux d’une utilité incontestable ; tandis que Serge la trouvait agréable parce qu’il y rencontrait l’occasion de vivre dans l’oisiveté.

En outre, la façon dont Serge Ivanovitch regardait les paysans offensait un peu Constantin. En effet, il se vantait de les aimer et de les connaître ; il causait souvent avec eux sachant bien faire, sans affectation ni pose, et, de chacune de ces conversations, toutes sur le même modèle, il tirait des conclusions générales à l’avantage du peuple, prouvant ainsi qu’il le connaissait bien. Cette attitude déplaisait à Constantin Lévine. Pour lui, le paysan n’était que le facteur principal dans le travail commun ; certes il éprouvait du respect et de l’amour pour les paysans et ces sentiments il les avait probablement sucés, il le disait lui-même, avec le lait de sa nourrice, qui était une paysanne ; mais bien qu’il participât avec eux au travail commun, bien qu’il fût parfois enthousiasmé de la force, de la douceur