Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

connaissait le peuple que de dire s’il l’aimait. Pour lui, connaître le peuple c’était connaître les hommes.

Sans cesse en observation, il entrait en relations avec des gens de toutes sortes, et également avec des paysans qu’il considérait comme des hommes bons et intéressants ; mais il remarquait toujours en eux de nouveaux traits qui modifiaient son ancienne opinion à leur égard et en faisaient naître une nouvelle. Serge Ivanovitch, au contraire, de même qu’il aimait et vantait la vie rurale, comme offrant un contraste avec la vie urbaine qu’il n’aimait pas, éprouvait de l’amitié pour les paysans en opposition à cette classe de gens du monde qu’il avait en antipathie ; pareillement, sa connaissance du peuple se basait sur ce principe qu’il représentait une classe différente des autres.

Son esprit méthodique se représentait clairement et d’une façon définie les phases de la vie des paysans, qu’il déduisait en partie de l’existence même de ceux-ci, mais, principalement, des divers contrastes qu’elle présentait avec la vie des autres classes. Son opinion sur les paysans et ses sympathies pour eux étaient immuables.

Dans les discussions qui s’élevaient sur ce sujet entre les deux frères, Serge Ivanovitch avait toujours le dessus, précisément parce qu’il avait des conceptions très nettes sur le peuple, sur son caractère, sur ses qualités et ses goûts, tandis que Constantin Lévine n’avait aucune opinion précise