Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous êtes incorrigible, dit Strémov sans la regarder, et, de nouveau, il s’adressa à Anna.

Il avait rarement l’occasion de la rencontrer, aussi ne pouvait-il guère lui dire que des banalités : il lui parla de son retour à Pétersbourg, de l’affection que la comtesse Lydie Ivanovna avait pour elle ; mais malgré le tour banal de la conversation, il était évident qu’il faisait tous ses efforts pour lui être agréable tout en lui témoignant son plus profond respect.

Toustchevitch vint dire que la société attendait les joueurs de croquet.

— Non, ne partez pas, je vous en prie, dit Lisa Merkalova, apprenant que l’intention d’Anna était de s’en aller.

Strémov se joignit à elle.

— Le contraste sera trop grand, dit-il, entre la société d’ici et celle de la vieille demoiselle Vrédé. En outre, vous ne serez pour elle qu’un prétexte à médisances, tandis qu’ici votre présence éveille les sentiments les plus opposés.

Anna resta un moment indécise. Les paroles flatteuses de cet homme intelligent, la sympathie naïve et enfantine que lui témoignait Lisa Merkalova, tout ce milieu mondain dans lequel elle se sentait si à l’aise, tout cela lui semblait si simple auprès de ce qui l’attendait, qu’elle eut un instant d’hésitation.

« Faut-il rester, se dit-elle, et reculer encore