Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mille roubles par an, s’était vu réduit à son revenu de vingt-cinq mille roubles, d’où le déficit. Recourir à sa mère, il n’y pouvait songer : sa dernière lettre, qu’il avait reçue la veille, l’avait particulièrement irrité ; elle était prête à tous les sacrifices, y disait-elle, dans le but de favoriser son succès dans le monde et son avancement, mais s’il persistait à scandaliser toute la bonne société, il ne devait, en aucune façon, compter sur elle. Ce procédé, qui consistait à le prendre par l’argent, l’offensait particulièrement ; aussi se sentait-il plus refroidi que jamais à son endroit. Cependant il ne pouvait revenir sur la généreuse décision qu’il avait prise à l’égard de son frère, bien que dans les circonstances présentes et en raison de sa liaison avec madame Karénine, il commençât à entrevoir que ce don généreux avait été fait à la légère et que tout en étant célibataire, il pouvait avoir besoin d’un revenu de cent mille roubles. Mais il était impossible de revenir là-dessus. Il lui suffisait de penser à la femme de son frère, de se souvenir que cette bonne et charmante Varia ne manquait jamais l’occasion de lui dire qu’elle n’oubliait pas sa générosité et savait l’apprécier, pour comprendre l’impossibilité dans laquelle il se trouvait de reprendre la parole donnée. Cette perspective lui semblait aussi inadmissible que celle de battre une femme, de voler ou de mentir. Un seul moyen lui restait, et c’est sans la moindre hésitation qu’il