Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/193

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opinion sur l’exploitation qu’il lui était désormais impossible de retrouver l’attrait qu’avait auparavant pour lui ce genre d’occupation ; involontairement il percevait les sentiments hostiles que nourrissaient à son égard ces paysans qu’il ne pouvait s’empêcher de considérer comme la cause de tout le mal. Composer des troupeaux de vaches de tout premier ordre, telles que Pava ; fumer et labourer la terre avec des charrues ; diviser en neuf champs égaux tous entourés d’arbres, quatre-vingt-dix déciatines de terre convenablement engraissée au moyen de fumier bien enfoncé ; posséder des machines agricoles à vapeur, etc., certes tous ces projets constituaient un plan général des plus séduisants pour Lévine, et tout cela eut été magnifique s’il eût pu l’exécuter seul, par ses propres forces, ou avec le concours de dévoués collaborateurs. Or il était à l’heure actuelle évident pour lui (l’ouvrage qu’il avait entrepris sur l’agriculture et dans lequel il considérait l’ouvrier comme l’élément principal de l’exploitation contribuait pour beaucoup à le confirmer dans cette opinion) que son administration n’était qu’une lutte incessante et acharnée entre lui et l’ouvrier ; mais, dans ce duel inégal, alors que lui-même n’avait pour toute arme qu’un inlassable désir de progrès et de perfectionnement, son adversaire lui opposait le rempart inexpugnable de la routine. Aussi était-il pertinemment convaincu que quelque grands que fussent ses efforts personnels, ils se briseraient