Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/212

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tait une robe décolletée en carré et Lévine s’imaginait que la jeune fille avait revêtu ce costume à son intention. Ce petit carré de chair, malgré la blancheur du cou, ou peut-être même à cause de cette blancheur, paralysait entièrement la pensée de Lévine. Était-ce à tort, toujours est-il qu’il se considérait comme visé par cette coquetterie ; néanmoins il ne se reconnaissait pas le droit de tourner les yeux de ce côté et il s’efforcait de s’en abstenir. Cette toilette, en raison même de l’intention qu’il s’imaginait y découvrir, lui causait des remords ; il se croyait coupable de quelque vilenie et il eût voulu fournir des explications sur sa conduite, mais il se sentait impuissant à le faire. La rougeur qui ne cessait de lui monter au visage, le trouble et la gêne qui l’obsédaient n’avaient pas d’autre cause ; peu à peu cet embarras gagnait la jeune fille, mais sans paraître s’en apercevoir, la maîtresse de la maison continuait de causer avec Lévine.

— Vous croyez, disait-elle, poursuivant le fil de la conversation, que mon mari ne s’intéresse pas à ce qui se passe en Russie ? Détrompez-vous. Il est possible qu’il se plaise beaucoup à l’étranger, il s’y plaît cependant moins qu’ici, où il se trouve dans son véritable milieu. Certes il a beaucoup à faire ; mais il a le don de s’intéresser à tout. À propos ! vous n’avez pas vu notre école ?

— Je crois l’avoir vue… n’est-ce pas cette petite maison entourée de lierre ?