Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/230

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étonne. Le peuple est demeuré chez nous à un niveau si inférieur de développement matériel et moral que forcément il doit s’opposer à tout ce qui le dépasse. Si, en Europe, l’exploitation rationnelle marche, cela tient à ce que le peuple est instruit. D’où je conclus qu’il faut chez nous instruire le peuple.

— Mais comment donc instruire le peuple ?

— En créant des écoles, des écoles et encore des écoles.

— Vous avouez vous-même que le peuple est à un niveau très bas de développement matériel ; quel remède y apporteront les écoles ?

— Voyez-vous, vous me rappelez une anecdote au sujet d’un malade à qui l’on donnait des conseils en vue de sa guérison : — « Purgez-vous, lui disait-on. — Je l’ai fait, mon état a empiré. — Essayez des sangsues. — J’ai essayé, le remède est pire que le mal. — Eh bien, alors, priez Dieu. — J’ai prié, mais mon mal n’a fait qu’augmenter. » De même je vous propose successivement l’économie politique, le socialisme, l’instruction comme remèdes à la situation que vous déplorez, mais chacun d’eux vous semble devoir l’aggraver.

— Mais comment les écoles serviront-elles au peuple ?

— Elles lui créeront d’autres besoins.

— Voilà ce que je n’ai jamais compris, répondit Lévine avec chaleur. Comment les écoles peuvent-