Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/246

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devait lui fournir l’argent nécessaire pour partir à l’étranger. Mais des pluies commencèrent à tomber et il devint impossible de ramasser le blé et les pommes de terre restées dans les champs ; tous les travaux, y compris la récolte du seigle, furent suspendus. Les routes étaient impraticables ; deux moulins furent emportés par le courant, et le temps devenait de plus en plus mauvais.

Le 30 septembre enfin, le soleil se montra dès le matin et fit espérer le beau temps. Lévine commença résolument ses préparatifs de départ. Il ordonna de rentrer le seigle dans la grange, envoya son intendant chercher l’argent chez le marchand, et visita lui-même tout son domaine pour donner les ordres nécessaires avant son départ.

Le soir, sa tournée finie, Lévine, trempé jusqu’aux os par la pluie qui lui entrait dans le cou et emplissait les tiges de ses bottes, mais néanmoins d’excellente humeur et fort animé, reprit le chemin de la maison. Dans la soirée le mauvais temps avait encore empiré, la pluie cinglait vigoureusement le cheval, qui tout trempé d’un côté, secouait ses oreilles et sa tête ; mais Lévine sous son capuchon se sentait très à l’aise et regardait joyeusement tout ce qui l’entourait : tantôt c’étaient des ruisseaux d’eau trouble qui couraient sur la route, tantôt les gouttes de pluie qui pendaient aux branches dénudées, plus loin ses regards étaient attirés par la blancheur d’une tache de farine sur les planches