Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/26

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pour le bien public. Il en était à la fois ennuyé et attristé.

— Il y a de l’un et de l’autre, fit-il résolument. Je ne vois pas qu’on puisse…

— Comment ? Est-ce qu’en administrant mieux les fonds on ne pourrait pas, par exemple, donner des secours médicaux ?

— Je ne le crois pas… du moins sur une étendue de quatre mille verstes carrées, comme notre district. Avec nos mauvais chemins, nos tourmentes de neige, avec cette intensité du travail, je ne vois pas la possibilité d’apporter partout l’assistance médicale, et, de plus, je n’ai aucune confiance en la médecine.

— Mais voyons ; tu es injuste… je pourrais te citer mille exemples concluants. Eh bien ! Et les écoles ?

— Pourquoi faire des écoles ?

— Que dis-tu là ? Peut-on mettre en doute l’utilité de l’instruction ? Si tu la trouves bonne pour toi, elle doit être bonne aussi pour les autres.

Constantin Lévine se sentait moralement mis au pied du mur, aussi, dans son irritation, avoua-t-il involontairement la véritable cause de son indifférence pour la chose publique.

— Tout cela est peut-être bien, mais pourquoi me donnerais-je la peine de travailler à établir ces stations médicales dont je ne profiterai pas, et ces écoles où je n’enverrai jamais mes enfants, où ces