Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devenait évident pour Constantin que la vie n’était plus pour son frère qu’un véritable fardeau.

Nicolas avait déjà fait tous ses préparatifs de départ quand Constantin vint le trouver de nouveau, et d’un ton un peu forcé le pria de l’excuser s’il l’avait offensé en quelque chose.

— Ah ! de la magnanimité maintenant ! dit Nicolas en souriant. Si tu tiens absolument à avoir raison, je ne te refuserai pas cette satisfaction : soit ! Tu as raison ; cela ne m’empêchera pas néanmoins de partir.

Toutefois au moment du départ, en embrassant son frère, Nicolas dit d’une voix étrangement grave, en le regardant : « Voyons, Kostia, ne m’en veuille pas ! » Et sa voix tremblait.

Ce furent les seules paroles sincères qu’ils échangèrent entre eux. Elles signifiaient clairement pour Lévine : « Tu vois et tu sais que je me meurs et que peut-être nous ne nous reverrons plus. »

Et des larmes jaillirent de ses yeux.

Il embrassa de nouveau son frère mais ne trouva rien à lui dire.

Trois jours après son départ Lévine partit à son tour pour l’étranger. Ayant rencontré le prince Stcherbatzkï, cousin germain de Kitty, celui-ci se montra surpris de son air sombre.

— Qu’as-tu ? lui demanda-t-il.

— Mais rien, rien ; seulement la vie n’est pas gaie.