Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/284

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place, j’aurais tué, j’aurais mis en pièces depuis longtemps, une femme telle que moi. Non, ce n’est pas un homme, c’est une machine ministérielle. Il ne comprend pas que je suis ta femme, qu’il est un étranger pour moi, qu’il est de trop… Mais ne parlons plus de lui ! N’en parlons plus !

— Tu as tort, tu as tort ! dit Vronskï s’efforçant de la calmer. Mais qu’importe, ne parlons plus de lui. Raconte-moi ce que tu as fait. De quelle maladie souffres-tu et que dit le docteur ?

Elle le regardait avec une gaieté railleuse, trouvant évidemment quelque autre ridicule à son mari, et n’attendant que l’occasion de se moquer de lui. Mais Vronskï continua :

— Je ne crois pas à une maladie, cela tient à ton état. Pour quand ce sera-t-il ?

L’expression railleuse s’effaça de ses yeux et fit place à un autre sourire, empreint d’une douce tristesse, qu’il ne lui avait encore jamais vu.

— Bientôt, bientôt. Tu déplores notre situation, tu voudrais y apporter une solution ; si tu savais combien elle est pénible pour moi ! Que ne donnerais-je pas pour avoir le droit de t’aimer librement, fièrement ! Je ne me tourmenterais plus, et ne te fatiguerais plus par ma jalousie. Mais patience ! Bientôt tout s’arrangera, mais pas comme nous le pensons.

À cette pensée, elle s’attendrit tellement sur elle-même, que des larmes qu’elle ne put retenir parurent dans ses yeux. Elle posa sa main blanche, dont