Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/50

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cruches en s’entrechoquant. Au milieu du creux, l’herbe tendre et grasse arrivait au milieu de la ceinture, et dans le bois, par endroits, s’y mêlaient des pensées sauvages.

Après qu’ils se furent rapidement concertés pour savoir s’il convenait mieux de commencer en long ou en large, Prokhor Ermilitch, un grand paysan brun, faucheur réputé, fit en large la première rangée et revint sur ses pas ; tous alors le suivirent, gravissant le ravin jusqu’à la lisière même de la forêt. Le soleil disparaissait derrière les arbres ; les faucheurs ne le voyaient plus que de la hauteur, et dans le bas du ravin où se soulevait une légère vapeur, ils marchaient dans une ombre fraîche, imprégnée de rosée. Le travail se faisait avec entrain ; l’herbe parfumée tombait en rangs épais au son clair et métallique de la faux ; les travailleurs, dans les rangs courts, se trouvaient tellement serrés les uns contre les autres, que leurs étuis ou bien leurs faux s’entrechoquaient ; tantôt c’était le bruit de la pierre aiguisant les lames d’acier, tantôt des cris joyeux par lesquels ils se stimulaient mutuellement.

Lévine marchait toujours entre le jeune garçon et le vieillard. Celui-ci avait endossé sa veste de peau de mouton et se montrait toujours gai, plaisant et libre dans ses mouvements. Dans le bois on rencontrait souvent des champignons cachés dans l’épaisseur de l’herbe et qui tombaient sous