Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/51

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le tranchant des faux ; mais lorsque le vieux en voyait un, il se baissait, le ramassait et le mettait dans sa poche en disant : « Encore un cadeau pour ma vieille. »

L’herbe tendre et humide se fauchait facilement, mais il était moins aisé de se mouvoir sur la pente escarpée du ravin. Cependant le vieux n’en paraissait pas gêné. Il agitait toujours régulièrement sa faux et ses pieds chaussés de larges chaussures d’écorce se déplaçaient d’un mouvement lent et assuré sur la pente ; bien qu’il tremblât de tout son corps, pas un brin d’herbe, pas un champignon ne lui échappait ; et il ne cessait de plaisanter avec les paysans et avec Lévine.

Celui-ci le suivait toujours ; à chaque instant il pensait tomber ; il lui semblait impossible de gravir, en maniant une faux, une pente si abrupte qu’il eût été déjà difficile d’y parvenir les mains libres ; il avait peine à se tenir d’aplomb ; néanmoins il continuait de grimper et de travailler. Il se sentait poussé par une force inconnue de lui jusqu’ici.