Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/90

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Devant lui la rivière formait une courbe et derrière la petite mare un groupe bigarré de femmes bavardait et poussait de joyeux éclats ; elles s’avançaient en remuant le foin qu’elles soulevaient en traînées ondoyantes d’un beau vert clair. Derrière elles, venaient des paysans qui, avec des fourches, saisissaient le foin dont ils faisaient de hautes et larges meules. À gauche, sur la prairie déjà rasée, une file de charrettes arrivait à grand bruit. Les bottes, soulevées par de longues fourches, s’enlevaient de terre pour s’entasser sur les charrettes surchargées et le foin parfumé débordant, tombait sur les croupes des chevaux.

— Quel beau temps pour faucher ! Le foin sera excellent ! dit un vieux paysan en s’asseyant près de Lévine. Ce n’est même pas du foin, on dirait du thé. Il est sec comme du grain pour les petits canetons, ajouta-t-il en désignant les meules qui s’amoncelaient. Depuis le dîner, on en a bien rangé la moitié.

— Est-ce la dernière ? cria-t-il à un jeune garçon qui, debout sur le devant de la charrette, agitait les brides de son cheval en passant près d’eux.

— C’est la dernière, père ! répondit le garçon en retenant le cheval ; puis se tournant en souriant vers une jeune femme qui, toute joyeuse, le visage frais et animé, était assise dans le chariot, il continua son chemin.

— C’est sans doute ton fils ? demanda Lévine.