Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol20.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

§ 192. — La prédestination divine des uns à la félicité éternelle, des autres à l’éternelle condamnation, est conditionnelle et fondée sur la prévision que ceux-ci ne se prévaudront pas au lieu que ceux-là se prévaudront de la grâce.

Si nous lisons dans la parole de Dieu qu’il prédestina les uns à la gloire éternelle (Rom., viii, 29), les autres à l’éternelle condamnation (Jude, 4), cela ne signifie point qu’Il ne veuille pas « que tout homme soit sauvé, » qu’Il n’accorde pas à tous sa grâce, et qu’Il ait prédestiné les uns et les autres sans aucune raison, par sa seule volonté inconditionnelle. Cela signifie seulement que Dieu, qui veut que tous soient sauvés et qui accorde sa grâce à tous, a prévu, de toute éternité, qui voudra et qui ne voudra pas se prévaloir de cette grâce. C’est dans ce sens-là qu’Il a prédestiné les uns au salut et les autres à la condamnation (p. 331).

Saint Paul enseigne clairement que la prédestination divine est fondée sur la prescience de Dieu et dit : « Ceux qu’Il a connus dans sa prescience, Il les a aussi prédestinés pour être conformes à l’image de son Fils… et ceux qu’il a prédestinés, Il les a aussi appelés, et ceux qu’Il a appelés, Il les a aussi justifiés, et ceux qu’il a justifiés, Il les a aussi glorifiés » (Rom., viii, 29, 30). Il ne les a pas simplement prédestinés, dit l’apôtre, mais Il les a prédestinés en vertu de sa prescience : ceux dont il a vu d’avance les mérites, ce sont ceux-là aussi qu’Il a prédestinés ; ou, comme s’exprime le bienheureux Jérôme : « Ceux que Dieu savait devoir être conformes à son Fils en sa vie, ce sont ceux-là qu’Il a prédestinés à Lui être conformes dans sa gloire même » (p. 333).

Tout ce paragraphe sur la prédestination porte en soi le caractère distinctif de la théologie byzantine,