Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol21.djvu/328

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pas là à propos, mais qu’on peut leur trouver un sens. Et il le trouve[1] :

Ce second morceau non seulement se détache de ce qui précède et de ce qui suit, de sorte qu’on aurait tort de rechercher péniblement une liaison plus intime des divers éléments, mais les passages parallèles des autres évangiles, que nous avons dû emprunter à quatre contextes absolument différents, peuvent faire naître des doutes au sujet de la place qui est assignée ici aux sentences alléguées. Néanmoins il y aura moyen de leur trouver un sens parfaitement approprié à la tendance de tout ce discours, celui-là même que le rédacteur a dû avoir en vue en les plaçant ici.

Il s’agit encore des disciples de Jésus, mais pas le moins du monde exclusivement de ceux qu’il a appelés ses premiers apôtres. Tout à l’heure il leur a été dit qu’ils avaient à s’attendre à des conflits avec le monde, et à une séparation d’avec lui, laquelle à plusieurs égards serait même un devoir pour eux. Maintenant, au contraire, il leur est parlé de devoirs qui les rapprocheront du monde, qui les mettront avec lui dans des relations directes et suivies. Cela est exprimé d’une manière figurée ou allégorique.

i Vous êtes le sel de la terre. Le sel sert à assaisonner la nourriture, mais surtout à la préserver de la corruption ou décomposition. Jésus se servait de cette image avec l’application spéciale à la fabrication du pain (Matth., xiii, 33), et de manière que sa pensée ne présente pas d’obscurité. Sur la terre, c’est-à-dire sur la grande masse de l’humanité, ses disciples sont et doivent être un élément salutaire, destiné à la pénétrer et à lui communiquer une vertu ou qualité indispensable pour la santé, comme le levain est pour la pâte de farine une condition de saveur et de salubrité.

  1. Reuss, p. 198-200.