Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol21.djvu/359

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d’autre, ne serait-ce que parce que celui qui jure justitie par cela même les soupçons de celui qui demande le serment.

Évidemment Reuss ne comprend pas le sens de ce passage. L’Église, elle, le comprend, mais sciemment cache ce qu’elle comprend, rabaisse la doctrine, la dénature et la ravale au service de ses honteux desseins.

Voici ce que dit l’Église[1] :

Ne te parjure point, etc. Ce n’est pas la répétition littérale des commandements de la loi de Moïse. (Luc., xix, 2 ; Deut., xxiii, 21-23). Ne jure point par mon nom en mentant. Si tu fais une promesse à Jéhovah, ton Dieu, exécute-la immédiatement. Les paroles de Christ expriment évidemment la même chose que la lettre de la loi : Ne jure pas le mensonge, jure pour témoigner de la vérité, et si tu as juré ne te parjure point.

Exécute immédiatement, c’est-à-dire dans le serment, tu dois dire la vérité et exécuter ce que tu as promis en jurant. Le serment est le témoignage solennel, au nom de Dieu, de la vérité de ce que l’homme dit, et l’on suppose naturellement que Dieu punira celui qui aura prêté serment, s’il jure en mentant, puisque par là on blasphème le nom de Dieu.

Les Juifs prirent la coutume d’éviter de jurer en invoquant le nom de Dieu, et de jurer par différentes choses ; par exemple : par le ciel, la terre, Jérusalem, le temple ; et ils ne tenaient pas ces serments pour absolument obligatoires. Ils se permettaient de jurer en mentant sans violer la lettre de la loi.

Ne jure point, par aucun des moyens indiqués qui étaient alors en usage, car tout est crée par Dieu, et tout est crée saint. Jurer par une de ces choses créées,

  1. Interprétations des Évangiles, par l’archevêque Mikhaïl, pp. 103-107.