Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol21.djvu/376

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plutôt que de faire des efforts pour vous défendre énergiquement, laissez-lui prendre le tout. Le mot grec, d’origine persane, que nous avons rendu par « corvée », se rapporte proprement à des services publics pour lesquels on met un homme à réquisition. (Matth., xxvii, 32). La recommandation porte donc qu’il faut plutôt faire plus qu’il n’est exigé que de refuser tout à fait.

Il se présente ici une difficulté en vue de laquelle on a souvent reproché à la morale de Jésus d’être simplement inapplicable, parce qu’aucune société ne saurait subsister là où d’honnêtes gens laisseraient ainsi patiemment le champ libre aux méchants. Pour écarter cette objection, il ne suffit pas de dire qu’il ne s’agit pas ici de lois sociales, mais de devoirs privés, ni de rappeler que d’autres passages de l’Écriture sauvegardent l’ordre public. Il faut admettre que la recommandation de Jésus, bien que figurée dans sa forme, est sérieuse et réellement praticable. Or, on trouvera sans peine qu’il y a des coups plus durs et plus irritants que des soufflets, que le chrétien peut être dans le cas de supporter et de pardonner : des attaques contre le fruit de son travail, plus méchantes que ne le sont d’injustes procès ; des charges plus lourdes que de brutales extorsions, qu’on peut lui imposer sans qu’il regimbe. Nous parlons de cas où aucune loi positive n’est violée, mais où un sentiment plus délicat du devoir nous engage à subir les effets de l’égoïsme d’autrui sans nous opposer à ses exigences ; où il nous serait même aisé de dire : non, en nous prévalant du droit strict, et où l’esprit de Jésus nous fait dire : oui, en nous guidant par son exemple.

Le verset 42 est plus étranger au contexte, en ce qu’il n’y a plus là aucune liaison quelconque avec la loi du talion. Pour le fond, même observation que tout à l’heure. Prise à la lettre et dans son acception la plus illimitée, cette règle ferait plus de mal que de bien. Mais il restera toujours le principe que la rédaction