Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/102

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rale : activités gouvernementale, scientifique, artistique, commerciale, n’a pas d’autre but que d’éclairer de plus en plus, de préciser, de simplifier et de vulgariser la vérité morale.

Je me rappelle qu’une fois, en marchant dans une rue de Moscou, je vis un homme qui regardait attentivement les pavés du trottoir ; il choisit un pavé, s’assit et (à ce qu’il me sembla) se mit à le frotter ou à le gratter avec l’attention et l’effort les plus grands. « Que fait-il sur ce trottoir ? » pensai-je. Je m’approchai tout près et vis ce que faisait cet homme. C’était un garçon boucher, il aiguisait son couteau. Il ne pensait pas du tout aux pavés en les examinant et encore moins en faisant son travail. Il avait besoin d’aiguiser son couteau pour couper de la viande ; à moi il me semblait qu’il faisait quelque chose avec les pierres du trottoir. De même il semble que l’humanité n’est occupée que de commerce, de traités de science, de guerre, d’art ; mais une seule chose est importante pour elle, et elle ne fait qu’éclaircir ces lois morales d’après lesquelles elle vit. Les lois morales existent déjà. L’humanité se les explique seulement, et cette explication ne semble ni importante ni remarquable à celui qui n’a pas besoin de la loi morale, qui ne veut pas vivre selon elle. Or cette explication de la loi morale est non seulement l’œuvre principale mais l’œuvre unique de toute l’humanité. On ne re-