Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/62

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ment, il y a ici quelqu’un qui peut le faire, si toutefois il n’est pas ivre aujourd’hui.

Et Ivan Fédotitch appelait par ses prénom et nom patronymique cet homme qui était toujours de ces gens tombés de la classe supérieure. À l’appel d’Ivan Fédotitch, d’un coin sombre surgissait un ancien gentilhomme ou un fonctionnaire presque toujours ivre et moitié habillé. S’il n’était pas ivre, il acceptait toujours volontiers le travail qu’on lui proposait, hochait gravement la tête, fronçait les sourcils, faisait ses observations en termes recherchés, tenait avec grande précaution dans ses mains sales, tremblantes, la carte propre sur papier rouge et, d’un air de fierté et de mépris, regardait triomphalement ses compagnons qui l’avaient tant de fois humilié à cause de la supériorité de son instruction.

Il était visiblement satisfait de se rapprocher — par le fait d’inscrire les cartes sur papier rouge — de ce monde où s’imprimaient de pareilles cartes rouges et dont il faisait partie autrefois. Presque toujours, quand je l’interrogeais sur lui-même, très volontiers, même avec empressement, il se mettait à raconter l’histoire qu’il savait par cœur comme une prière, les malheurs qu’il subissait et principalement sa situation ancienne, où de par son éducation, il devrait avoir sa place.

Il y avait beaucoup de ces gens dans tous les coins de la maison de Rjanov.