Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/159

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— Comment donc, il nous faut…

— Demandez à l’officier.

L’officier sommeillait assis sur une ancre. Il se leva et ordonna de laisser passer.

— On peut aller là-bas, mais on n’en peut pas sortir. Où vous fourrez-vous tous ! — cria-t-il aux voitures du régiment, surchargées, qui se heurtaient à la sortie du pont.

En descendant au premier ponton, les frères croisèrent des soldats qui causaient à haute voix :

— S’il a reçu l’argent de l’équipement, alors, son compte est réglé, il a reçu tout, voilà.

— Eh ! frères, — disait une autre voix, — quand on vient à Severnaïa, on voit la lumière, je le jure, c’est tout à fait un autre air.

— Chante ! — dit le premier. — Récemment, là-bas même, la maudite est tombée. Elle a arraché les jambes à deux matelots. Oui…

Les frères, après le premier ponton, entendirent une voiture, s’arrêtèrent au deuxième, que, par endroits, l’eau envahissait déjà. Le vent, qui semblait très faible dans les champs, soufflait ici très fort et par rafales. Le pont oscillait, les ondes frappaient les planches avec bruit et, en se brisant sur les ancres et les cordages, envahissaient les planches. À droite, la mer brumeuse, hostile, sombre, murmurait en se séparant par une ligne infinie, également sombre, de l’horizon gris clair ;