Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/161

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— Où est Martzov ?

— Hier, il a eu la jambe emportée… dans la ville… il dormait dans sa chambre. Vous le connaissiez peut-être ?

— Le régiment est au cinquième bastion, n’est-ce pas ?

— Oui, il a remplacé le régiment de M***. Rentrez à la première ambulance, là-bas, vous trouverez les nôtres, on vous conduira.

— Eh bien ! Et mon appartement à Morskaia, est-il intact ?

— Eh ! mon vieux, il y a déjà longtemps qu’il est tout détruit par les bombes. Vous ne reconnaîtriez plus Sébastopol. Il n’y a pas une seule femme, ni cabaret, ni musique. Hier, le dernier établissement a fermé. Maintenant, c’est devenu très triste, horriblement triste… Adieu.

Et l’officier s’éloigna au trot. Volodia éprouva un sentiment terrible. Il lui semblait que tout de suite, le boulet ou l’éclat allait aussi le frapper tout droit dans la tête. Ces ténèbres humides, tous ces sons, surtout le bruit courroucé des vagues, tout semblait lui dire de ne pas aller plus avant, que rien de bon ne l’attendait ici, que plus jamais son pied ne se poserait sur la terre de l’autre côté de la baie, qu’il devait retourner immédiatement, s’enfuir quelque part, le plus loin possible de cet horrible endroit de mort. « Mais peut-être est-il déjà trop tard, tout est peut-être déjà décidé, »