Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/18

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à remplacer la tranquillité de la nuit, ici un détachement de sentinelles, avec un bruit d’armes, va au remplacement ; là-bas, le major se dirige en hâte vers l’hôpital ; un pioupiou sort de sa hutte en terre, lave à l’eau glacée son visage hâlé, puis se tournant vers l’orient empourpré, se signe rapidement et prie Dieu ; là-bas, un haut et lourd fourgon, attelé de chameaux, en grinçant se traîne au cimetière pour y laisser les morts ensanglantés dont il est surchargé… Vous approchez du port et vous êtes frappé d’une odeur particulière de charbon de terre, de fumier, d’humidité, de viande. Des milliers d’objets les plus divers : du bois, des victuailles, des gabions, de la farine, du fer, etc., sont entassés près du port. Les soldats de divers régiments avec sacs et fusils, ou sans rien, se pressent ici, fument, s’invectivent, s’injurient, traînent des fardeaux sur le bateau qui, soufflant la fumée, est près du pont de planches. Des petits vapeurs particuliers, pleins de gens de toutes sortes, des soldats, des matelots, des marchands, des femmes, abordent et quittent le port.

— Pour la Grafskaia ! Votre Seigneurie ? S’il vous plaît — deux ou trois matelots se lèvent des petits vapeurs et vous proposent leurs services.

Vous choisissez le plus proche de vous, vous enjambez le cadavre à demi-pourri de quelque cheval bai étendu ici dans la boue près du canot, et vous passez vous asseoir au gouvernail. Vous