Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/194

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on oubliait quelque chose, buvait de l’eau de-vie et préparait des cigarettes pour tous les officiers. Étaient-ce les manières modestes et polies de Volodia, qui le traitait comme un officier et ne le bousculait pas comme un gamin, ou son visage agréable et sympathique qui charmait Vlanga, comme l’appelaient les soldats en féminisant son nom, mais il ne détournait pas ses doux grands yeux du visage du nouvel officier et devinait et prévenait tous ses désirs, et tout le temps se tenait en une extase amoureuse qu’on remarquait sans doute et qui soulevait le rire des officiers.

Avant le dîner, le capitaine en second du bastion était remplacé et se joignit à leur société. Le capitaine en second Kraut était un officier blond, joli, vif, avec de grandes moustaches et des favoris roux. Il parlait admirablement le russe, mais trop grammaticalement et trop bien pour un Russe. Son service et sa vie étaient comme son langage : il servait admirablement, était bon camarade, l’homme le plus sûr en affaires d’argent, mais précisément parce qu’il était sans défaut lui manquait-il quelque chose pour être tout simplement un homme. Comme tous les Allemands russifiés, par une contradiction étrange avec les Allemands idéalistes de l’Allemagne il était « praktisch » au plus haut degré.

— Voilà notre héros ! Enfin il paraît ! — dit le