Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/242

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ordinairement les soirées de décembre au Caucase. Le soleil se couchait à gauche, derrière l’arête abrupte des montagnes, et jetait des rayons roses sur les tentes dispersées sur la montagne, sur les groupes mouvementés des soldats et sur nos deux canons qui, à deux pas de nous, immobiles, lourds, semblaient tendre le cou sur la batterie.

Le piquet d’infanterie établi à gauche sur le monticule, se dessinait avec netteté à la lumière transparente du soleil couchant, avec ses faisceaux de fusils, sa sentinelle, le groupe de soldats et la fumée des bûchers allumés. À droite et à gauche, à mi-hauteur, sur la terre noire piétinée, blanchissaient les tentes derrière lesquelles se montraient, noirs, les troncs humides de la forêt de platanes où sans interruption retentissaient les coups de hache, craquaient les bûches et tombaient avec fracas les arbres coupés. La fumée bleuâtre, comme une colonne, montait de tous côtés dans le ciel bleu clair, glacial. Devant les tentes, en bas, près de la rivière, sur leurs chevaux qui piaffaient et s’ébrouaient, des Cosaques, dragons et artilleurs revenaient de l’abreuvoir. Il commençait à geler. Chaque son s’entendait avec une netteté particulière et la vue s’étendait loin avant sur la plaine, dans l’air pur et vif. Les groupes ennemis, sans plus exciter la curiosité des soldats, se répandaient paisiblement dans les chaumes jaune-clair des champs de maïs. Par ci, par là, à travers les