Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/248

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ment à prendre l’air d’un homme offensé, il fronça les sourcils avec affectation et marmonna quelque chose dans sa moustache, puis de nouveau se mit à rouler des cigarettes. Mais dans sa blague à tabac au crochet, il n’avait plus assez de tabac, même de miettes. Il demanda à Sch. de lui prêter une petite cigarette. Nous prolongeâmes assez longtemps ces bavardages militaires monotones que connaît quiconque a été aux expéditions. Nous nous plaignions toujours dans les mêmes termes de l’ennui et de la durée de la campagne ; nous tenions les mêmes propos sur nos chefs ; nous louions toujours de la même façon, si souvent répétée, l’un de nos camarades ; plaignions un autre ; nous étonnions du gain excessif de celui-ci, de la perte de l’autre, etc., etc.

— Voilà, mon cher, notre aide de camp, le voilà fichu ! — dit le capitaine en second Sch… — À l’état-major, il était toujours en gain, qu’il jouât avec n’importe qui, il gagnait des sommes folles et maintenant, c’est déjà le deuxième mois qu’il perd sans cesse. Il n’a pas de chance dans cette expédition. Je crois qu’il a déjà perdu deux mille pièces et divers objets pour cinq cents. Le tapis gagné à Moukhine, les pistolets de Nikitine et la montre d’or de Sadi dont Voronzov lui avait fait cadeau, tout est disparu.

— Ce n’est pas volé ! — dit le lieutenant O…

— Il nous a assez écumés tous. On ne pouvait pas jouer avec lui.