Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/267

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pliai de me faire passer dans un régiment prenant au moins part aux expéditions, et je savais trouver ici Paul Dmitrievitch, qui est le fils de l’intendant de mon père. Quand même il pouvait m’être utile. Mon oncle fit cela pour moi. J’eus mon changement. Après l’autre régiment, celui-ci me semblait une réunion de chambellans. Et puis, Paul Dmitrievitch se trouvait ici. Il savait qui je suis et on me reçut fort bien. À la demande de l’oncle… Gouskov, vous savez… Mais j’ai remarqué que ces hommes sans instruction et sans développement ne peuvent respecter l’homme et lui témoigner les signes du respect s’il n’a pas cette auréole de la fortune et de la noblesse. Quand ils ont vu que j’étais pauvre, peu à peu leurs relations envers moi se sont relâchées, et enfin ils sont devenus presque méprisants. C’est horrible, mais c’est l’absolue vérité.

Ici, je fus à une affaire, je me suis battu, on m’a vu au feu. — continua-t-il. — Mais quand cela finira-t-il ? Jamais, je crois ! Et mes forces et mon énergie commencent déjà à s’épuiser. Ensuite, je m’imaginais, la guerre, la vie de camp… mais tout cela n’est pas comme je le vois : en pelisse courte non lavée, en bottes de soldat, il faut aller au secret, et passer toute la nuit dans le ravin avec un Antonov quelconque, enrégimenté pour cause d’ivrognerie, et à chaque instant il se peut qu’on tue derrière le buisson, vous ou Antonov c’est la même chose. Ce n’est déjà plus du courage, c’est affreux, ça tue