Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/337

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« Je vais faire semblant de dormir » pensa Iline, « autrement, il faudra causer avec lui et j’ai déjà sommeil. »

Cependant Tourbine s’approcha de lui et lui caressa la tête.

— Eh bien ! Quoi, mon cher ami, tu as perdu ? Hein, perdu ? Parle donc !

Iline ne répondit pas.

Le comte le tira par le bras.

— J’ai perdu. Eh bien, que t’importe, — murmura Iline d’une voix endormie, indifférente, et sans changer de position.

— Tout ?

— Oui. Eh bien ! Quel malheur ? Tout. Qu’est-ce que cela peut te faire ?

— Écoute, dis la vérité, à un camarade, — prononça le comte rendu tendre par le vin, en continuant à lui caresser la tête. — Vraiment je t’aime. Dis la vérité, si tu as perdu l’argent du Trésor, je te sauverai ; autrement ce sera trop tard… Tu avais l’argent du Trésor ?

Iline bondit du divan.

— Si tu veux que je parle, alors ne cause pas ainsi avec moi, parce que… je t’en prie, ne me parle pas… Une balle dans le front, voilà ce qui me reste ! — prononça-t-il avec un vrai désespoir, en laissant tomber sa tête dans ses mains et fondant en larmes, bien qu’un instant avant, il pensât très tranquillement aux chevaux.