Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/410

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cile de reconnaître comme une faute ce qui en fut la cause. Le jeune homme n’a pas reçu d’honneurs particuliers dont le refus serait lié à son abstention de la guerre. Le jeune homme pouvait dire la vérité : c’est qu’il est tombé par hasard dans une situation sans issue et ne sachant comment en sortir, y est resté jusqu’à ce qu’elle prit fin d’elle-même. Le jeune homme veut dire cela et le dirait certainement. Mais voilà : d’abord avec un certain étonnement il entend autour de lui les racontars sur la guerre passée ; et ce n’est plus quelque chose de honteux, comme elle se présentait à lui, mais une œuvre bonne, extraordinaire. Il entend dire que la défense à laquelle il participa était un grand événement historique, que c’était une défense inouïe au monde, que ceux qui étaient à Sébastopol et lui sont des héros entre les héros, que ce fait qu’il ne s’est pas enfui, de même que le cheval d’artillerie, qui n’a pas rompu sa bride pour s’enfuir, a accompli un grand acte, et qu’il est un héros. D’abord avec étonnement, ensuite avec curiosité, le garçon écoute et perd le courage de dire toute la vérité. Il ne peut parler contre les camarades, les trahir, mais pourtant il veut dire au moins une partie de la vérité, et il fait la description de ce qu’il a vu, il tâche de dire tout ce à quoi il a survécu. Il décrit sa situation à la guerre : autour de lui on tue, lui-même tue. Il se sent mauvais, peureux, misérable. À la pre-