Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/411

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mière question qui vient en tête à chacun : pourquoi fait-il cela, pourquoi ne cesse-t-il pas et ne s’enfuit-il pas ? L’auteur ne répond pas. Il ne dit pas comme on disait dans l’antiquité quand on détestait ses ennemis, comme les Hébreux disaient des Philistins : qu’il hait les alliés, au contraire, en certains passages, il montre de la sympathie pour eux comme pour des frères. Il ne parle pas du désir passionné de voir entre nos mains les clefs du temple de Jérusalem, ou même que notre flotte existe ou non. Vous sentez, en lisant, que pour lui les questions de la vie et de la mort des hommes ne sont pas compatibles avec les questions politiques ; et à la question : Pourquoi l’auteur a-t-il agi ainsi ? le lecteur ne voit qu’une réponse : parce qu’on m’a pris, étant jeune ou avant la guerre, ou parce que, par hasard, par inexpérience, je suis tombé moi-même, dans une situation d’où je ne pouvais m’arracher sans de grands efforts. J’y suis tombé et alors, quand on m’a forcé de faire la chose la plus contraire à la nature, tuer des frères qui ne m’avaient rien fait, j’ai préféré obéir plutôt que de subir une punition et la honte. Et, bien que dans le livre il y ait de brèves allusions à l’amour du tzar et de la patrie, on sent que ce n’est qu’une déférence aux conditions dans lesquelles se trouve l’auteur. On a beau sous-entendre que sacrifier sa vie, sa validité, c’est bien, que toutes les souffrances et les morts qui se pro-