Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol6.djvu/158

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Nester, s’aidant d’un court étrier, monta sur le hongre ; il déroula son fouet, tira sa casaque de dessous sa jambe, et s’installa sur la selle avec cette allure particulière des cochers, des chasseurs, des palefreniers, et tira la guide. Le hongre redressa la tête en exprimant la bonne volonté d’aller où on le lui ordonnerait, mais il ne bougea pas. Il savait qu’avant de partir, assis sur son échine, on crierait encore beaucoup, que l’on donnerait des ordres à l’autre palefrenier Yaska, et aux chevaux. En effet, Nester se mit à crier : « Yaska ! Eh ! Yaska ! tu as laissé échapper les juments, hein ? hein ? Où vas tu, diable ? Hou ! Est-ce que tu dors ? Ouvre ! Que les juments passent devant, etc… » La porte cochère grinça. Yaska, mécontent et endormi, tenant un cheval par la bride, était près du jambage de la porte et laissait passer les chevaux. Les chevaux, l’un après l’autre, marchant avec prudence sur la paille, en la flairant, passèrent devant. Des jeunes juments, des étalons, des poulains, des juments pleines portant lentement leur ventre franchissaient à la file la porte cochère. Les jeunes juments se heurtaient parfois par deux ou trois, la tête sur le dos des unes des autres, et jouaient des pattes dans la porte cochère, ce qui leur valait chaque fois les injures des palefreniers. Les poulains se jetaient dans les pattes des juments, parfois étrangères, et hennissaient bruyamment en répondant aux cris brefs des ju-