Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/107

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n’as donc aucune idée de rien ; ne sens-tu pas que tu es de trop ici ? Va avec tes sœurs, ou…

La belle Véra eut un sourire dédaigneux, et ne parut point offensée.

— Si vous m’aviez dit cela plus tôt, maman, je serais déjà partie. — Et elle s’en alla dans sa chambre. Mais en traversant le divan, elle aperçut, près de chacune des deux fenêtres, deux couples assis. Elle s’arrêta et sourit avec mépris. Sonia était assise près de Nicolas, qui lui recopiait des vers, les premiers qu’il eût composés. Boris et Natacha étaient à l’autre fenêtre et se turent quand Véra entra. Sonia et Natacha regardèrent Véra avec un visage coupable et heureux.

C’était à la fois gai et touchant de voir ces fillettes amoureuses, mais leur vue évidemment n’excita pas en Véra un sentiment agréable.

— Combien de fois vous ai-je demandé, — dit-elle, — de ne pas toucher à ce qui m’appartient. Vous avez votre chambre.

Et elle prit l’encrier dont se servait Nicolas.

— Tout de suite, tout de suite — fit-il en trempant sa plume.

— Vous ne savez rien faire à propos — continua Véra. — Tout à l’heure vous êtes accourus au salon de telle façon que tout le monde en avait honte. Bien que, ou précisément parce que tout ce qu’elle disait était tout à fait juste, personne ne lui répondit et tous les quatre se regardèrent entre eux.