Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/195

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temps. Le docteur dit que dans trois jours je serai tout à fait guérie, et pourrai respirer l’air pur et me réchauffer au soleil d’avril. Au revoir donc, cher ami, ne t’inquiète pas, je t’en prie, ni de ma maladie, ni de tes pertes, finis tes affaires au plus vite et viens ici avec les enfants pour tout l’été, j’ai fait des plans merveilleux pour le passer ensemble, et il ne manque que toi pour les réaliser. »

Ce qui suit de la lettre était écrit en français, d’une écriture liée et inégale, sur une autre feuille de papier.

« Ne crois pas ce que je t’écris de ma maladie, personne ne sait jusqu’à quel degré elle est sérieuse. Je sais seulement que je ne me lèverai plus du lit. Ne perds pas un moment, viens immédiatement et amène les enfants. Peut-être pourrai-je, encore une fois, les embrasser et les bénir, c’est mon seul et dernier désir. Je sais quel terrible coup je te porte, mais que veux-tu, tôt ou tard, de moi ou d’un autre tu le recevrais, tâchons donc de supporter ce malheur avec fermeté et espoir en la miséricorde de Dieu, et soumettons-nous à sa volonté.

» Ne pense pas que ce que j’écris soit le délire d’une imagination malade, au contraire, en ce moment, mes idées sont extraordinairement claires, et je suis tout à fait calme. Ne te console donc pas de l’espoir que ce sont les pressentiments vagues et trompeurs d’une âme inquiète. Non, je