Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/283

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» Quand elle me vit, elle me dit : « M. Mayer, comment vous appelle votre maman ? » Je dis : Karlchen.

» Et elle me dit : « Karlchen ! asseyez-vous près de moi. »

» Je m’assis près d’elle, elle me dit : « Karlchen, embrassez-moi. »

» Je l’embrassai et elle dit : « Karlchen, je vous aime tant que je ne puis plus souffrir, » et elle tremblait toute…

Ici, Karl Ivanovitch faisait une longue pause, roulait ses bons yeux bleus, hochait légèrement la tête, continuait à sourire, comme on sourit sous l’influence d’un souvenir agréable.

« Oui, — commença-t-il de nouveau en se carrant dans son fauteuil et en refermant sa robe de chambre, — Oui, dans ma vie, il y a eu beaucoup de bon et de mauvais, mais voilà mon témoin — et il montrait l’image du saint Sauveur, brodée sur un canevas, et qui pendait au-dessus de son lit — personne ne peut dire que Karl Ivanovitch est un malhonnête homme ! Je ne voulais pas payer par une ingratitude noire le bien que m’avait fait M. L*** et je résolus de m’enfuir de chez lui. Le soir, quand tous furent partis dormir, j’écrivis une lettre à mon patron, je la mis sur la table de ma chambre, je pris mes habits, trois thalers d’argent et doucement, je sortis dans la rue. Personne ne m’avait vu et je suivis la route. »