Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/186

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répondit Pamphile, mais il est bien évident pour moi que tout mariage qui a pour base le plaisir personnel est fatalement une source de discorde. De même les bêtes et les hommes, qui se distinguent très peu des bêtes, ne peuvent pas se nourrir sans qu’éclatent des querelles et des rixes ; chacun veut le bon morceau et comme il n’y a pas assez de bons morceaux pour tous, la discorde s’allume. Si elle n’est pas apparente, elle existe cependant. Le faible désire un bon morceau, mais il sait que le fort ne le lui donnera pas, et qu’il lui est impossible de l’arracher au fort ; alors il l’observe, le regarde méchamment et profite de la première occasion pour lui ravir le morceau. Il en est ainsi des mariages païens, mais bien pire encore, car l’objet de la convoitise est, dans ce cas, un être humain. Ainsi la haine s’élève entre les époux mêmes.

— Mais comment faire que deux personnes qui veulent se marier s’aiment l’une l’autre exclusivement ? Un homme ou une jeune fille aura toujours aimé une autre personne, et, alors, selon vous, le mariage entre eux est impossible. Je vois bien qu’ils ont raison ceux qui disent que vous ne vous mariez pas. Tu es célibataire et tu le resteras probablement toujours. Comment peut-on croire qu’un homme qui épouse une jeune fille n’ait jamais enflammé le cœur d’une autre femme auparavant, ou qu’une jeune fille arrivée à l’âge de se